La mise en tourisme du Surf : enjeux, limites et prospectives

Publié le par Benjamin Marias .


Ce mois-ci nous donnons la parole à un chercheur (Ludovic Falaix) maître de conférence spécialisé dans l’analyse sociologique des politiques territoriales notamment vis à vis du Surf ! Il nous a semblé intéressant de l’interroger sur ses réflexions, ses recherches pour nourrir notre approche !

Ludovic, comment analyses tu l’approche Surf & Tourisme en Aquitaine ?

La mise en tourisme du surf repose en partie sur la marchandisation de l’activité. Néanmoins, la seule marchandisation de l’activité ne saurait répondre aux évolutions des attentes exprimées par les touristes qui choisissent une destination surf pour expérimenter les aspects sportifs mais aussi culturels et créatifs. Ainsi mon collègue Jérôme Lafargue explore la dimension mythique qui entoure la naissance de la culture surf. Il rappelle qu’elle repose sur une construction sociale forgée par de jeunes californiens enclins à dénoncer les limites de l’« american way of life » en élaborant de nouveaux codes, de nouvelles normes et valeurs qui sont support à une contestation de l’ordre établi et autorisent l’émergence d’une culture sportive définie comme «  analogique  ».

surf70 Grannis AIR

Or, les festivités proposées par les pouvoirs publics tendent à réifier cette culture surf mythifiée dont les éléments qui la caractérisent sont les voyages, l’hédonisme, l’apologie de la liberté, l’individualisme mais aussi, et paradoxalement, le communautarisme «  néotribal  », l’esthétique corporelle, la rébellion et la contestation…

Ces temps forts de l’agenda culturel en période estivale sont autant d’occasions de promouvoir les interactions sociales, de réinvestir l’espace public, de divertir les touristes surfeurs en leur conférant le sentiment qu’ils appartiennent au monde du surf.

Par ailleurs, ces événements que sont les concerts, les projections cinématographiques en plein air, les soirées thématisées, les ateliers d’éducation à l’environnement côtier et les expositions organisés en marge des compétitions sportives, contribuent également à l’identification d’un territoire où le surf est un élément constitutif de la culture locale. À tel point que certains élus, conscients des enjeux inhérents au fait de réaffirmer la place du surf sur le segment culturel, n’hésitent plus à affirmer que le surf « est dans l’ADN de la culture locale ». Ainsi, se structure une véritable ambiance culturelle au sein des stations balnéaires qui font le choix de promouvoir le surf dans le cadre d’un développement touristique.

La mise en tourisme du surf ne se limite donc pas à la marchandisation et à l’encadrement de l’activité.

aquitaine tourisme sur air

 

D’autre part, au cœur de ce système territorial surf en Aquitaine, d’importantes infrastructures reconfigurent la structure du tissu urbain des stations balnéaires au regard de leur emprise foncière et de leur dimension architecturale. La Cité de l’océan et du surf à Biarritz, tout comme le siège de la Fédération française de surf à Hossegor, la Maison de la glisse à Lacanau, le siège de Quiksilver Europe à Saint-Jean-de-Luz sont autant d’édifices qui marquent de manière symbolique le paysage et viennent rappeler combien le surf structure le développement de ces territoires côtiers.

cite ocean air

Confrontés à la surfréquentation de certains spots en période estivale, certains surfeurs expriment des résistances face à l’institutionnalisation des territoires du surf, comment interprètes-tu cette réaction ?

À partir d’un travail sur « l’habiter récréatif », on saisit que ces résistances et contestations ne constituent pas seulement des déviances, des écarts à la norme, qui seraient spécifiques à la contre-culture sportive. Au contraire, en privilégiant l’examen du sensible, du sensoriel, de l’émotionnel on met en évidence le fait que l’habiter récréatif est une forme d’exaltation de l’existence.

S’ouvrent alors de nouvelles clés d’interprétation quant à l’exacerbation des conflits observés sur les sites de pratique. Car le surf,pratiqué dans ce cadre contextuel d’une véritable « passion cognitive », renvoie à ce souci « de “recosmisation” de l’existence humaine ». Or en marge des luttes intestines entre les communautés de surfeurs, les résistances et contestations de certains surfeurs face au développement touristique fondé sur la promotion du surf ne signifient elles pas aussi une volonté d’explorer intensément la glisse dont on mesure qu’elle sanctionne
une forme de territorialisation ?

C’est ce que le discours des surfeurs peut laisser croire. Puisque ils expriment unanimement l’idée que tuber, c’est-à-dire accomplir cette gestuelle sportive qui consiste à se lover dans le creux de la vague, précipite l’expérimentation de la glisse poussée à son paroxysme.

tube surf air

En dénonçant la surfréquentation de certains spots, les surfeurs stigmatisent ainsi, non pas certaines populations de pratiquants au rang desquelles on retrouve les touristes et les néophytes, mais davantage la réduction de leurs capacités à se spatialiser via la glisse.

Merci Ludovic pour cette première introduction sur vos recherches, nous diffuserons au fur et à mesure des articles de fond pour nous inspirer collectivement.

Et chez AIR nous allons intégrer vos réflexions dans la vie courante de nos projets ! A très bientôt !